Extrait du procès d'Anton
Kaindl,
ancien commandant de camp de Sachsenhausen
Procureur Général:
Quels genre d'extermination
ont eu lieu dans votre camp ?
Kaindl:
Jusqu'au milieu de 1943, on exécutait les gens en les abattant ou
en les pendant. Pour l'exécution en masse des prisonniers de guerre russes, on
avait aménagé une pièce spéciale en cabinet médical. Dans cette chambre se
trouvait un appareil pour mesurer la taille d'un homme et une table pour
examiner l'acuité visuelle. Il y avait également des SS habillés en médecins
avec des blouses blanches. En mesurant soit-disant la taille du prisonnier,
celui-ci était abattu d'une balle dans la nuque, tirée à travers une
ouverture pratiquée dans l'appareil de mesure. Dans la chambre se trouvant
derrière cet appareil, on jouait des disques afin de couvrir le bruit des coups
de feu.
Procureur Général:
Quand vous êtes devenu
commandant de camp, y avez-vous trouvé une technique d'extermination déjà
mise au point ?
Kaindl:
En effet. Outre le cabinet médical, il y avait un lieu d'exécution
où l'on abattait les prisonniers, une potence mobile et une potence mécanisée
où l'on pouvait pendre trois ou quatre personnes à la fois.
Procureur Général:
Avez-vous apporté des
changements à cette technique de destruction ou non ?
Kaindl:
En mars 1943, j'ai introduit les chambres à gaz comme lieu
d'extermination en masse.
Procureur Général:
Sur votre propre initiative ?
Kaindl:
Partiellement oui. Etant donné que les installations existantes ne
suffisaient plus pour l'extermination prévue, j'ai organisé une réunion à
laquelle a participé également le médecin-chef Baumkötter. Celui-ci me
raconta que l'empoisonnement de gens par l'acide prussique dans des chambres spéciales
entraînait une mort immédiate. Je considérais dès lors l'installation de
chambres à gaz pour l'extermination massive comme un moyen efficace et plus
humain.
Procureur Général:
Qui était responsable de
cette destruction de vies humaines ?
Kaindl:
Le commandant de camp lui-même.
Procureur Général:
Donc vous ?
Kaindl:
En effet.
Procureur Général:
Combien de prisonniers ont
été exterminés à Sachsenhausen pendant l'exercice de vos fonctions de
commandant de camp, c-a-d pendant deux ans et huit mois ?
Kaindl:
Au total, 42.000 personnes ont été exterminées sous ma
responsabilité, dont 18.000 directement à l'intérieur du camp même.
Procureur Général:
Et combien de personnes
moururent de faim pendant cette période
Kaindl:
D'après mon estimation, 8.000 prisonniers moururent de faim durant
cette période.
Procureur Général:
Accusé Kaindl, avez-vous
reçu l'ordre de faire sauter le camp pour effacer les traces des méfaits
commis ?
Kaindl:
Oui. Le 1er février 1945, j'ai eu une conversation avec le chef de
la Gestapo, Miller. A cette occasion, il me transmit l'ordre de détruire le
camp par un bombardement d'artillerie ou d'aviation ou par gazage. L'exécution
de cet ordre, qui venait d'Himmler, n'était toutefois pas réalisable
techniquement.
Procureur Général:
Auriez vous exécuté cet
ordre si cela avait été possible techniquement ?
Kaindl:
Cela va de soi. Mais c'était impossible. Un bombardement
d'artillerie ou une attaque aérienne auraient été remarqué par la population
locale. Un gazage aurait fait courir des risques à la population locale et au
personnel SS.
Procureur Général:
Qu'avez-vous fait alors ?
Kaindl:
J'ai tenu une réunion avec Höhn et d'autres et ensuite j'ai ordonné
l'extermination de tous les malades, des prisonniers inaptes au travail et,
avant tout, des prisonniers politiques.
Procureur Général:
Cela fut-il fait ?
Kaindl:
Nous avons commencé. Dans la nuit du 2 février, les premiers
furent abattus. Il y en avait à peu près 150. Jusqu'à la fin du mois de mars,
nous avons réussi à exterminé environ 5.000 personnes.
Procureur Général:
Qui dirigeait cette
extermination en masse ?
Kaindl:
L'accusé Höhn que j'avais chargé de cette opération.
Procureur Général:
Combien de prisonniers se
trouvaient alors encore au camp ?
Kaindl:
40.000 à 45.000. Le 18 avril je reçus l'ordre de les embarquer sur
des péniches pour les mener par la Spree sur la mer Baltique et de les couler
en pleine mer. Le temps nous manquait pour nous procurer suffisamment de péniches
pour tant de prisonniers, et parce que l'Armée Rouge avançait trop rapidement.
Procureur Général:
Que s'est-il alors passé ?
Kaindl:
J'ai fait évacuer les prisonniers à pied, d'abord en direction de
Wittstock, puis vers Lübeck où ils seraient embarqués sur des navires et
ensuite noyés.
Procureur Général:
Tous les prisonniers
ont-ils eu des soins lors de cette évacuation ?
Kaindl:
Non. 6 à 7000 personnes ne reçurent aucun soin parce qu'il n'y
avait plus rien.
Procureur Général:
Ces gens sont-ils morts d'épuisement et de faim pendant la marche ?